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Honduras prise 2

Archive pour Mai 24, 2008

Vies de marchés

Puisque mon premier groupe arrive demain, j’en étais encore cette semaine à rencontrer les partenaires de Mer et Monde et à visiter différents lieux de stage. C’est pour cette raison que j’ai passé une journée dans les marchés de Comayaguela avec l’organisme Alternativas et oportunidades où un des groupes Québec sans frontières effectue son stage.

Arrivée tôt le matin dans les bureaux d’Alternativas avec les autres stagiaires de Mer et Monde, je ressens un grand vide. Pendant que les employés du centre s’activent autour de nous, une dizaine de personnes entassées dans un bureau qui semble deux fois trop petit, nous sommes mollement assis à attendre je ne sais trop quel signal.  « C’est tous les jours comme ça », me dit un des stagiaires. « Attendre, ne rien faire, ce fut mon plus grand choc ici ». Et à mon tour, je vis le choc de l’attente. C’est que celle-ci est pesante et semble interminable. C’est fou comment ne rien faire épuise, sans doute parce que, pendant que notre corps est inerte, notre tête, elle, ne cesse de tourner.

Je ne cesse de me demander ce que je fais ici, quand est-ce que nous commencerons à bouger, qu’est-ce qui peut bien se passer pour que nous restions longuement inactifs. Et ce n’est pas par manque d’initiative de notre part, j’en suis convaincue. Je ne m’habitue pas encore au rythme du Honduras, plus lent, plus flou. Je l’observe tous les jours et le ressens quotidiennement dans mon rôle d’accompagnatrice. Les changements de dernière minute sont fréquents, j’ai souvent l’impression qu’il me manque de l’information, mes questions trouvent des réponses vagues, je m’aventure fréquemment dans des lieux sans trop savoir où je vais et ce que j’y ferai. Alors que sonne 9 h 30 et que nous nous préparons enfin à nous rendre au premier marché, je suis brûlée, ayant l’impression de ne pas avoir dormi depuis des jours. Le fait de me sentir inutile, invisible, le sentiment que ma présence n’apporte rien de plus me suivra tout au long de cette journée dans les marchés. Moi qui pensais co-animer un atelier sur la prévention des parasites intestinaux et un autre sur les drogues, j’en suis réduite à observer les éducateurs d’Alternativas animer dans un environnement chaotique sans bien comprendre ce qui se passe. Je juge les méthodes de travail dans mon regard de Nord-Américaine, les trouvant inefficaces, me disant que je ferais les choses bien autrement. J’ai beau être consciente que le stage est un prétexte pour être avec les Honduriens, que je ne suis pas là-bas pour me sentir utile et pour imposer mes méthodes de travail, le choc y est quand même.

Je me laisse alors guider par les éducateurs d’Alternativas dans ces lieux mystérieux que sont les marchés. Ce sont des lieux sombres, de vrais labyrinthes. Je trouve l’ambiance étouffante aussi avec toute cette poussière, ces déchets au sol, cette chaleur, cette fumée, ces cries, ces odeurs de friture et de colle. J’y observe des enfants qui courent pieds nus, des gens qui dorment dans des coins, des hommes saouls, des enfants souriants qui nous serrent longuement dans leurs bras, des femmes et des hommes qui travaillent de longues heures, beaucoup de solidarité, de la pauvreté matérielle, de la violence. Je suis surprise par le nombre de marchés et de pulperias à Tegucigalpa. C’est que la majorité des Honduriens vivent – survivent – de la vente. Les gens achètent en gros et essaient de vendre leurs produits avec une marge de profit ridicule, sachant que la population n’a pas les moyens d’acheter à gros prix. Et la vente est longue et lourde. Il est courant de voir des hommes, au milieu de grands boulevards, criants et courants d’une voiture à l’autre pour tenter de vendre désespérément des bouts de tissus, des cigarettes, de voir de jeunes enfants allant d’autobus en autobus pour vendre des bonbons. Et cette vieille dame debout toute la journée au gros soleil pour vendre sur un des ponts de Tegucigalpa des objets de mauvaises qualités. Lorsque je rentre le soir à la maison et que je la vois qui ne semble pas avoir bougé depuis le matin, j’ai les yeux remplis d’eau.

***

Mon groupe arrive demain. Je suis heureuse de les retrouver et prête pour la grande aventure, quoique mon espagnol n’est pas comme je voudrais qu’il soit. Nous quitterons Tegucigalpa mardi pour San Matias, un village avec accès Internet et téléphone limité. Je serai de retour en ville samedi prochain.

Des photos

Je n’aime pas sortir ma caméra dans une ville comme Tegucigalpa. J’y ai tout de même pris quelques photos lors d’une visite de la ville avec François et j’en ai mis quelquesunes sur Flickr (3e colonne du blogue).

Désolée, il n’y a pas d’accent sur les commentaires des photos.